Un champ de 17 hectares
Le projet envisagé sur un terrain agricole privé longeant la rue des Stepennes à Anthisnes ? Un champ solaire citoyen qui serait le premier de Wallonie. Sur 17 hectares, des panneaux photovoltaïques vont être placés et ils seront couplés avec l’élevage d’un cheptel ovin tandis que deux hectares seront mis en zone refuge. “Le but est de concilier indépendance énergétique, agriculture nourricière, production d’énergie verte et préservation de la biodiversité, précise la cheffe de projet. On produit de l’énergie verte mais on maintient une activité agricole sur la parcelle. Ce projet nous tient vraiment à cœur, est porteur de sens et a nécessité deux ans de développement.”


Avec une coopérative citoyenne
Ether Energy n’aurait pu concrétiser ce dossier sans ses deux partenaires principaux : un agriculteur anthisnois, Bernard Deflandre (de la Ferme de l’Abbaye à Xhos), qui a accepté de louer son terrain au promoteur pendant 30 ans et un éleveur local (la Ferme du Haya à Clavier) qui, gratuitement, disposera du champ pour installer durablement 170 moutons.
Un troisième partenaire devrait les rejoindre prochainement et permettra de relocaliser la production d’énergie. “Nous sommes en contact avec la coopérative citoyenne Condroz Énergies Citoyennes. Elle analyse le dossier qu’elle juge intéressant et innovant.” L’université de Namur est aussi impliquée, chargée du suivi scientifique du projet sur le bien-être animal et la pousse de l’herbe, pendant cinq ans… “Au vu de tous ces éléments, on rentre dans les critères pour être reconnu comme projet pilote et on répond à toutes les recommandations du Livre blanc sur l’agrivoltaïsme en Wallonie, qui balise le secteur, met un cadre afin d’intégrer durablement ces projets dans le paysage wallon. On a aussi réalisé une notice d’évaluation des incidences. Par ailleurs, notre projet contribue aux objectifs énergétiques que la Wallonie s’est fixée. Il faut savoir que la demande en électricité va doubler d’ici 2050.”


Plus de 21 000 panneaux
Les 21 400 panneaux photovoltaïques seront placés par rangées espacées de 5 mètres et représenteront une occupation réelle de 6,5 hectares. “C’est finalement seulement 30 % de couverture solaire”, indique le promoteur. Le système a été conçu pour permettre aux ovins de circuler entre et sous les panneaux qui leur serviront d’ailleurs d’abri, tout comme les tracteurs pourront circuler entre les rangées. “Ce sont des panneaux fixes avec un seul pieu, simplement enfoncé dans la terre. Pas de béton. Pas d’artificialisation du sol.”
Le champ solaire disposera d’une puissance de 15 MW et alimentera en électricité verte l’équivalent de 5300 ménages, soit bien plus que la population d’Anthisnes. “On évitera plus de 7000 tonnes de CO2 chaque année.” L’électricité produite sera injectée dans le réseau via un poste source qui se trouve à moins d’un kilomètre de là. Et avec l’apport d’une coopérative citoyenne, en cours de finalisation, cette énergie pourra bénéficier aux citoyens et aux entreprises locales.

Quant à l’impact visuel, il a été lui aussi étudié pour être maîtrisé. Les panneaux s’élèvent à 2,7 m pour se fondre au maximum dans le paysage. Afin d’éviter l’effet “plan d’eau”, le promoteur a prévu la plantation de 1200 mètres de haies autour et à l’intérieur du site. “Ce ne sera pas un monobloc. On veut que ça s’intègre au paysage. Et rappelons aussi que l’installation ne causera aucune nuisance sonore.”
Peu d’impact visuel
Le site est par ailleurs pratiquement isolé des habitations et se trouve dans une légère cuvette. La première zone d’habitations est à 450 mètres (La Rock) et le centre d’Anthisnes est à 750 mètres. “Les quelques maisons les plus proches n’ont pas de vue directe sur le champ.” Seule une balade qui passe à proximité, dans les bois de Tolumont, est visuellement impactée. “Mais on pourrait en profiter pour valoriser notre projet par un panneau didactique sur le parcours, pour les promeneurs”, avance Florence Posschelle qui rappelle aussi que le projet est totalement réversible. “Dans 30 ans, si on veut, on démonte tout et il ne restera aucune trace.”


Côté timing, Ether Energy prévoit que la décision de l’octroi du permis par Région wallonne tombe en juillet 2025. La Commune devra préalablement rendre un avis. Si l’option est positive, la construction du champ solaire pourrait déjà débuter mi-2026, un chantier qui durera six mois. “Ça va relativement vite. On pourrait imaginer que les premiers électrons soient injectés dans le réseau fin 2026.”
Ether Energy se chargera de tout dans ce dossier : développement, construction et exploitation. Et espère que son projet pourra voir le jour. “Ce sont des projets de conviction, réalisés sans soutien par une petite entreprise de sept employés. On n’est pas une multinationale.”
> Les citoyens peuvent consulter le dossier dans le cadre de l’enquête publique et émettre leurs avis et remarques jusqu’au 2 juin.
Jean-François Remacle : “Une belle opportunité”


Jean-François Remacle, agriculteur à la Ferme du Haya à Ocquier, est emballé par cette collaboration. Il bénéficiera d’un accès gratuit et durable à cette surface agricole pour son cheptel. Il pourra y faire paître 170 bêtes. “C’est une belle opportunité. Pour le moment, j’ai 200 ovins qui sont disséminés sur de nombreuses parcelles. Je vais pouvoir étendre mon cheptel et le centraliser à un endroit. C’est une façon pour moi d’avoir une stabilité pour les 30 ans à venir, de m’étendre sans prendre un risque financier trop important puisqu’on ne doit ni louer ni acheter les terres.” Il renforce aussi son autonomie en fourrage. Et gère une activité de manière raisonnée. “On mettra en place un système de pâturage tournant avec quatre zones délimitées par une clôture mobile pour optimiser la gestion du troupeau et ne pas surexploiter le site.”
Le propriétaire : “J’ai eu un coup de cœur pour ce projet”
Bernard Deflandre, propriétaire du terrain, a été directement séduit par le projet. “J’ai vraiment eu un coup de cœur !” Sans successeur familial pour sa ferme, à Xhos, il avait envie de transmettre ses terres en y développant une activité durable. “Ce champ solaire citoyen, c’est un projet vert, sans béton, qui voit cohabiter la production d’énergie verte et une activité agricole. J’aide aussi un jeune éleveur à se développer. J’avais déjà été approché par des promoteurs éoliens mais je n’ai même pas analysé les offres. Du béton enfoui, ce n’est pas dans mes valeurs. Je tiens à conserver une terre nourricière. Je suis content que mes terres soient valorisées, je vois ça aussi comme une transmission.”
Marc Tarabella : “Oui, le dossier est séduisant”
La Commune d’Anthisnes n’a jamais été approchée par des promoteurs éoliens. C’est le premier dossier de production d’énergie verte qui arrive sur la table du collège. Et Marc Tarabella, bourgmestre d’Anthisnes, est plutôt emballé par le projet, il ne le cache pas. “Oui, c’est un dossier qui me séduit sur de nombreux points : favoriser l’activité agricole, produire de l’énergie verte et la relocaliser, ne pas artificialiser le sol… Je vois ça comme une opportunité : il faut aller vers une énergie propre, décarbonée et l’éolien a montré ses limites. Toutefois, il va falloir avoir la certitude que le projet n’impacte pas la production individuelle en photovoltaïque sur le territoire et n’aggrave pas les problèmes de décrochage. Il faut aussi envisager l’impact visuel même s’il est bien moindre qu’une éolienne.”
Ether Energy : cinq projets réalisés et 15 en cours
La société belge Ether Energy, fondée en 2020, a déjà développé cinq projets dans le solaire et 15 dossiers sont en cours. La société prévoit d’alimenter d’ici 2030 l’équivalent de 60 000 foyers, soit la production de 50 éoliennes nouvelle génération. “Le solaire permet un déploiement rapide, zéro béton et réversible.” Son premier projet de champ solaire est en exploitation depuis peu, à Wierde (Namur), mais sans l’aspect coopérative citoyenne. Ether Energy réhabilite aussi d’autres types de terrains. Elle transforme des friches industrielles, des terrains pollués ou des anciennes décharges en sources d’énergie positive.