Si on reparle aujourd’hui de ce “tax shelter”, c’est en raison du projet du gouvernement De Wever d’instaurer, à partir du 1er janvier 2026, une taxe de 10 % sur les plus-values réalisées par tout investisseur particulier sur des actifs financiers (actions, obligations, fonds communs de placement, cryptomonnaies, produits d’assurance-vie…).
Inscrit dans l’accord de l’Arizona, ce projet a déjà fait couler pas mal d’encre alors même que le ministre des Finances, Jan Jambon (N-VA), n’a toujours pas déposé officiellement de texte sur la table du gouvernement fédéral. Les choses pourraient toutefois bouger dans les tout prochains jours, avec le dépôt d’un avant-projet de loi en bonne et due forme lors du prochain conseil des ministres.
L’un des enjeux de cette future taxation des plus-values concerne les exonérations qui seront octroyées. M.Jambon envisage, notamment, une exonération pour les personnes conservant leurs actions en portefeuille pendant au moins dix ans (ce qui ne serait pas du goût des socialistes flamands de Vooruit). Une exonération, pouvant aller jusqu’à 1 million d’euros, serait aussi prévue pour les actionnaires détenant une participation d’au moins 20 % d’une entreprise.
Enfin, une troisième exonération concernerait les investissements réalisés par des particuliers via le tax shelter pour les start-up, les PME et les scale-up. Elle a été proposée par Jan Jambon lui-même. Mais, à ce stade, il n’est pas exclu qu’elle fasse les frais d’ultimes arbitrages entre les cinq partis de l’Arizona.
Des investisseurs de la classe moyenne
Pour Charles-Albert de Radzitzky, CEO et cofondateur de Spreds (l’une des principales plateformes de financement participatif en Belgique), l’enjeu peut se résumer en une question : “Peut-on taxer ce qu’on incite fiscalement depuis dix ans ?”. En d’autres mots, taxer “à la sortie” une éventuelle plus-value alors que le tax shelter incite l’investissement dans les start-up via une réduction d’impôt “à l’entrée”, pour soutenir la création d’emploi et l’innovation, relèverait de l’incohérence fiscale, estime le CEO de Spreds, qui est la plateforme à travers laquelle le plus grand nombre d’investissements en tax shelter est réalisé.
“C’est contradictoire que le gouvernement dise, d’une part, qu’il veut inciter les Belges à investir dans les start-up et, d’autre part, qu’il va les taxer quand ils décideront de céder leurs actions.”
“Dès qu’il a été question d’une taxation des plus-values financières, nous avons reçu de nombreuses questions d’investisseurs, mais aussi d’entrepreneurs, concernant l’impact de la mesure sur le tax shelter pour les start-up, explique Charles-Albert de Radzitzky. Certains investisseurs nous ont même dit qu’ils allaient arrêter d’investir en attendant que les choses se décantent”.


Le patron de Spreds attend du gouvernement fédéral qu’il mette fin, “le plus vite possible”, à l’incertitude qui touche les investisseurs et les entrepreneurs. “On trouverait vraiment très contradictoire que le gouvernement dise, d’une part, qu’il veut inciter les Belges à investir dans les start-up et, d’autre part, qu’il va les taxer quand ces mêmes Belges décideront de céder tout ou partie de leurs actions. Cela n’aurait vraiment pas de sens.”
La taxe sur les plus-values ? “Elle risque de perturber gravement le tissu économique”
Si le tax shelter n’est pas remis en question (il figure dans l’accord de gouvernement, avec même l’objectif de l’étendre), certains, à l’image de Charles-Albert de Radzitzky, redoutent une restriction de l’exonération fiscale dont bénéficie le mécanisme. “Ne pas conserver cette exonération ne servirait pas la cause de ceux qui veulent plus taxer les riches et ultra-riches, conclut le CEO de Spreds. En moyenne, les investisseurs en tax shelter investissent 1 200 euros par projet. Ce sont des citoyens de la classe moyenne”.