Le chef conservateur Pierre Poilievre a ressorti lundi son slogan, récemment mis de côté, qui promet de mettre « la hache dans la taxe » sur le carbone. Et ce, quelques jours après que le nouveau premier ministre Mark Carney a fixé cette taxe à zéro.
« M. Carney va essayer de cacher la taxe carbone sur l’essence et le chauffage pendant les élections, malgré le fait que la loi sur la taxe carbone reste toujours en place », a lâché en français le chef de l’opposition officielle devant des travailleurs de L’Orignal, dans l’est de l’Ontario.
M. Poilievre a pris la peine de faire imprimer la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, et a brandi le volumineux document de 273 pages devant les caméras. Puisque le texte n’est pas modifié par le parlement, qui est prorogé depuis le début de l’année, un gouvernement Carney « sournois » pourrait faire renaître cette taxe à tout moment, prévient-il.
Le nouveau premier ministre du Canada, Mark Carney, s’est pourtant prêté au jeu des caméras en signant vendredi un décret qui fixe à zéro la redevance sur les combustibles, parfois surnommée la « taxe carbone pour les consommateurs ».
Cette mesure avait pour effet de hausser le prix de l’essence à la pompe, sauf au Québec et en Colombie-Britannique, où un autre système s’applique. Mark Carney avait promis de l’abolir « immédiatement », et de la remplacer par des incitatifs.
Ces changements ont été officialisés légalement dans une édition spéciale de la Gazette du Canada, la publication officielle du gouvernement fédéral, mise en ligne samedi. Dès le 31 mars, la taxe sur les carburants de 85 $ la tonne ne s’appliquera plus aux achats de près d’une vingtaine de carburants, dont l’essence, le gaz naturel et le propane.
Retour à la hache
La plateforme du Parti conservateur du Canada proposait son propre système de tarification du carbone lors des élections de 2021, sous l’ancien chef Erin O’Toole. Le chef actuel, Pierre Poilievre, s’est illico débarrassé de cette idée. Son opposition à la taxe sur le carbone, résumée en anglais par son slogan « Axe the tax » est devenue l’une de ses marques de commerce.
Or, Pierre Poilievre avait quelque peu délaissé ce thème au tournant de l’année 2025, alors que gagnait en importance toute la saga des menaces de tarifs du gouvernement américain sur les importations canadiennes, qui se poursuit toujours. L’affiche en référence à la promesse d’abolir la taxe n’a pas été accrochée au podium de M. Poilievre depuis le 9 janvier dernier, montre une recension du Devoir.
« Mark Carney n’a que des slogans. J’ai un plan pour mettre le Canada d’abord », a fait valoir M. Poilievre sur ses réseaux sociaux, mercredi dernier, en référence à sa nouvelle ligne d’attaque à saveur nationaliste.
Les conservateurs approuvent la stratégie du gouvernement libéral de répliquer aux tarifs américains par des contre-tarifs, sur le principe du « dollar pour dollar ». Ils suggèrent toutefois d’en faire davantage, comme en ressuscitant le projet de gazoduc GNL-Québec ou en envoyant l’armée à la frontière.
Pierre Poilievre a précisé lundi qu’il promet d’éliminer « entièrement » la loi qui permet de fixer un prix sur les émissions, ce qui aurait pour conséquence de permettre aux provinces de n’imposer aucune taxe carbone sur les industries.
Mark Carney promet plutôt de maintenir le prix sur la pollution des grands émetteurs.
La taxe reste un enjeu
Malgré ses efforts pour se distancier du bilan de Justin Trudeau en matière de tarification sur le carbone, Mark Carney pourrait être hanté par cette question lors des prochaines élections, croit Frédéric Boily, professeur en sciences politiques au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta.
À droite, on doute de la volonté réelle du nouveau chef libéral à se débarrasser de la tarification du carbone pour les consommateurs, vu son engagement passé en faveur d’un prix élevé sur les émissions. Et à gauche, on suspecte un recul pour l’environnement. La décision de M. Carney de déménager le ministre Steven Guilbeault de l’Environnement à l’Identité et la Culture canadiennes a d’ailleurs été condamnée tant par le Bloc québécois que le Nouveau Parti démocratique (NPD).
« Du côté conservateur, on n’est pas encore convaincu que la question de qui peut affronter Donald Trump, soit l’unique et question de l’urne. Donc on veut encore parler de la taxe carbone », analyse le politologue.
Il ajoute que d’augmenter le prix sur le carbone pour les grandes industries, ce que propose M. Carney, est impopulaire en Alberta, notamment.
Pierre Poilievre a toujours nié avoir changé de cap. « Les médias disent que je devrais changer ma plateforme à cause de cette menace de tarifs douaniers. En fait, les menaces de Trump sur les tarifs ont donné raison aux conservateurs sur tous les points », a-t-il lancé en février.
Le chef n’a toujours pas précisé s’il a ou non l’intention de respecter les cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) du Canada, de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030.