March 27, 2025
Insurance

L’affaire Pilliot-Accelerant en 10 questions clefs


DE QUEL DIFFÉREND PARLE-T-ON ?

L’ACPR alerte fin février sur l’existence d’un litige opposant Accelerant Insurance Europe, organisme d’assurance belge exerçant en France en libre prestation de services (LPS), à la société de courtage Pilliot Assurances sur la commercialisation de contrats d’assurance automobile, souscrits par des entreprises et des collectivités territoriales. En clair : Accelerant n’était pas agréé en France en RC auto. Le différend est porté devant la justice.

QUI EST PILLIOT ?

Pilliot Assurances, qui affiche 23,4 M€ de chiffre d’affaires en 2023, selon les données disponibles sur Pappers, est une société de courtage du Pas-de-Calais, dont le siège social est basé à Aire-sur-la-Lys. Son fondateur et président est Jacques Pilliot. Âgé de 80 ans, ancien agent général Axa, il n’est plus lié à la compagnie depuis quatorze ans. Le site de Pilliot indique qu’il a été le premier agent de France par le volume d’affaires qu’il générait.

D’OÙ VIENT ACCELERANT ?

Accelerant est un assureur américain, dirigé par Jeff Radke, qui en est le CEO et cofondateur. L’assureur souscrit des contrats sous le régime de la LPS. Son bureau européen, situé à Bruxelles, a été créé en novembre 2020. Il est composé de moins de dix personnes.

QU’EST-CE QUI A CHANGÉ POUR PILLIOT FIN 2024 ?

Un accord important a pris fin pour le courtier. Great Lakes Insurance (Glise), filiale de Munich Re, amis un terme à ses activités d’assurance flotte automobiles en France, suite à la réorganisation de son portefeuille. L’accord avec Pilliot Assurances en vertu duquel le courtier souscrivait des polices d’assurance pour le compte de Glise a ainsi expiré le 31 décembre dernier.

QUE DIT LA JUSTICE ?

Le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, statuant en référé, par ordonnance du 24 février dernier, a constaté que «Pilliot Assurances a émis des attestations d’assurance pour le risque automobile au nom d’Accelerant Insurance Europe sans y être contractuellement autorisée». Le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a également ordonné « à la société Pilliot Assurances […] de notifier aux clients concernés qu’Accelerant Insurance Europe dénie tout engagement les concernant en matière de risque automobile de sorte que les mémos véhicule, et attestations délivrées […] ne sont pas valides et les risques non couverts ». Par ailleurs, il est ordonné à Pilliot, « sous astreinte de 100 000 € par infraction constatée, de cesser immédiatement toute émission d’attestation d’assurance ou de tout autre document en lien avec la prétendue souscription d’une assurance automobile auprès d’Accelerant Insurance Europe ». Pilliot a fait appel de cette décision. L’appel n’étant pas suspensif, l’ordonnance est exécutoire: le courtier doit donc se conformer aux dispositions de la décision de justice évoquée ci-dessus.

COMBIEN DE VÉHICULES CONCERNÉS ?

Pilliot a émis plus de 75 000 mémos et attestations d’assurance au nom d’Accelerant pour plus de 1000 clients sans émettre matériellement les polices d’assurance, selon la justice. Plus de 75 000 véhicules ont donc circulé en France sans assurance valide.

PILLIOT ET ACCELERANT AVAIENT-ILS DÉJÀ TRAVAILLÉ ENSEMBLE ?

Oui. Selon l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, Accelerant a délégué le 31 octobre 2024 à Pilliot, « la souscription de divers contrats d’assurance dommages et RC sur le territoire français à l’exception notable du risque automobile ». Il est précisé que bien que désirant confier également à Pilliot la souscription et la gestion de ce risque, Accelerant s’est seulement engagé le même jour à rédiger un avenant d’extension du contrat au risque automobile dès lors qu’elle aurait reçu l’agrément du Bureau central français.

QUEL IMPACT POUR LES COLLECTIVITÉS CONCERNÉES ?

Leurs flottes sont parfois été mises à l’arrêt. C’est notamment le cas de l’agglomération du Grand Guéret, dans la Creuse. Son président Éric Correia a appris début mars que les contrats d’assurance de ses cinq bus urbains Agglobus étaient caduques depuis fin décembre. « J’étais abasourdi, explique ce dernier, car cela signifie que nos agents ont roulé plus de deux mois sans être assurés. J’ai immédiatement pris la décision de bloquer notre flotte jusqu’à ce que nos bus soient de nouveau en règle. » Fin décembre, la communauté d’agglomération du Grand Guéret avait été prévenue que le contrat avec Great Lakes Insurance serait résilié le 31 décembre. « Mais pas de panique, nous avait rassurés Pilliot, nous avons trouvé un nouvel assureur, Accelerant Insurance Europe, qui a pris le relai à partir du 1er janvier aux mêmes conditions tarifaires et avec le même niveau de garantie. »

L’agglomération du Grand Guéret a pu se retourner : c’est Axa qui assure désormais sa flotte, par l’intermédiaire de Diot-Siaci, comme l’a indiqué Éric Correia à L’Argus de l’assurance. D’autres ne sont pas encore tirées d’affaire : la commune de La Hague, dans la Manche, est toujours contrainte, faute d’assurance, d’immobiliser deux cents véhicules à l’heure où nous écrivons ces lignes.

QUELLES INITIATIVES PRISES POUR REPLACER LES CONTRATS ?

L’ACPR et la Direction générale du Trésor ont indiqué avoir « sollicité France Assureurs pour inviter ses membres à examiner avec diligence les demandes de couverture qui leur seraient adressées dans ce contexte et faire leurs meilleurs efforts pour proposer des solutions assurantielles, en cohérence avec leur politique de souscription et leur activité ».

LA SITUATION S’AMÉLIORE-T- ELLE ?

Le vice-président de l’ACPR, Jean-Paul Faugère, est revenu sur l’affaire lors de son audition devant le Parlement. « Il y a eu une grande confusion dans la chaîne contractuelle, ce qui n’a pas empêché l’ACPR d’intervenir : dès que l’on a eu connaissance d’irrégularités, nous avons agi pour que les contrats commercialisés par le courtier Pilliot puissent être pérennisés pour l’année 2025, en vérifiant qu’il n’y ait pas de motif qui justifie la résiliation immédiate », a-t-il indiqué. « Le juge va trancher, mais l’ACPR s’emploie à obtenir de l’ancien assureur, Munich Re, qu’il continue de couvrir les contrats souscrits. » Les quatre cinquièmes du portefeuille concerné seraient donc couverts, d’après le vice-président. « Pour les contrats restants, nous incitons les assureurs de la place à prendre en considération les besoins en question », a-t-il conclu. Selon lui, il reste donc toujours 20 % de contrats non couverts.



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