Invitée de La Matinale mercredi, Mathilde Augé, directrice France du World Monuments Fund (WMF), a rappelé l’urgence de préserver le patrimoine, notamment en temps de guerre. Chaque conflit efface en effet une part d’histoire et d’identité, selon elle. L’ONG agit donc pour documenter et restaurer ces vestiges menacés.
Depuis sa création il y a 60 ans, le WMF a mené plus de 900 projets dans 112 pays avec une mission claire: protéger les sites d’exception. “Notre mission, c’est vraiment de protéger le patrimoine de l’humanité, qu’il soit exceptionnel par son histoire, ses qualités architecturales ou les symboles qu’il porte”, explique Mathilde Augé.
Tous les deux ans, l’ONG publie “la watch”, une liste de 25 sites à protéger en priorité. La dernière édition met par exemple en lumière le tissu urbain historique de Gaza, aujourd’hui en grand danger. “Le World Monuments Fund n’est pas une ONG politique, on travaille partout. En revanche, il est vrai que notre programme est toujours un plaidoyer pour appeler à protéger ce patrimoine qui souffre toujours énormément dans les conflits, mais tout particulièrement à Gaza aujourd’hui”, souligne-t-elle.
D’après les études de l’UNESCO, plus de 75 sites classés à Gaza ont été endommagés. Parmi eux, Saint-Porphyre, la plus vieille église de la région, ainsi que de nombreux bâtiments datant de l’époque mamelouke. Pour la directrice France du WMF, il est actuellement capital d’appeler “à protéger ce qui peut encore l’être” et “documenter” sans cesse, afin de pouvoir “garder la trace de ce patrimoine”.
Un enjeu pour la paix
Si la protection du patrimoine peut sembler secondaire face à l’urgence humanitaire, elle joue un rôle important dans la reconstruction et la réconciliation post-conflit.
Interrogée à ce sujet dans La Matinale, Mathilde Augé rappelle une analogie d’une collègue ukrainienne: “Quand quelqu’un est blessé et qu’une ambulance arrive, on n’attend pas qu’il soit à l’hôpital pour commencer à le traiter. Il faut s’occuper de ce blessé immédiatement. Et c’est un peu la même chose pour le patrimoine en zone de conflit”, explique-t-elle.
Des actions concrètes à travers le monde
Le WMF ne se contente pas d’alerter sur la situation des sites en danger. L’organisation agit directement sur le terrain. En Ukraine, elle réhabilite par exemple actuellement la Maison des Professeurs à Kiev. Elle participe également à la restauration du Musée culturel de Mossoul en Irak, en collaboration avec la Fondation Aliph et le Musée du Louvre.
Contrairement à l’UNESCO, l’ONG ne dépend pas des États et peut jouir d’une totale liberté. “Nous sommes une ONG privée et apolitique, ce qui nous permet d’agir de manière très différente. Nous pouvons souvent agir plus vite, sans être limités par les contraintes internationales”, précise Mathilde Augé.
Face aux guerres, mais aussi aux catastrophes naturelles, la préservation du patrimoine est un travail de longue haleine. Pour autant, l’ONG ne s’arrête pas à la Terre: sur sa dernière liste watch, des sites présents sur la Lune sont ainsi appelés à être protégés. “Pour nous, c’est avant tout un plaidoyer pour protéger ce patrimoine. Là où il y a eu les premiers pas de l’Homme, il y a beaucoup d’artefacts qu’on pourrait considérer comme un paysage culturel”, conclut-elle.
Propos recueillis par Delphine Gendre
Adaptation web: Tristan Hertig