Recycler du CO2 pour produire du carburant destiné à l’aviation. C’est l’objectif du projet Dézir, porté par les sociétés Verso Energy et BEA, qui était présenté lors d’une première réunion publique, mardi 21 janvier 2025, à Alizay (Eure). Dézir, pour « Décarbonation en Seine-Eure et sur la zone industrielle de Rouen », de son nom complet.
Alors que l’Europe obligera les compagnies d’aviation à utiliser 70 % de combustibles « verts » d’ici 2050, Verso Energy entend construire une unité de capture du CO2 sur deux hectares, directement sur le site de la chaudière à biomasse de BEA, dans la zone industrielle du Clos-Pré à Alizay, des unités d’électrolyse et de méthanolisation à Petit-Couronne (Seine-Maritime) et, pour relier les deux, 16 kilomètres de canalisations enterrées.
À partir des 350 000 tonnes de CO2 recyclées chez BEA, auxquelles sera mélangé l’hydrogène produit à Petit-Couronne, le projet devrait permettre de produire, chaque année, jusqu’à 81 0000 tonnes d’un carburant désigné par l’acronyme anglophone e-SAF (pour « carburant d’avion durable » en français).
« Aujourd’hui, les moteurs des avions ne sont en mesure d’accepter que 50 % de carburant de synthèse. C’est donc l’équivalent de 16 000 vols allers-retours Paris-Berlin, à moitié décarbonés », précise Camille Petit, cheffe de projet chez Verso Energy.
D’après Verso Energy, 800 emplois seraient nécessaires pendant les trois ans de construction, et jusqu’à 1 400 pendant la phase d’installation. Le site générerait ensuite 250 emplois « directs et indirects » pendant son fonctionnement.
50 % des émissions de l’Agglo Seine-Eure
Dans le cadre de la procédure de « concertation préalable », prévue par le Code de l’environnement, quelques dizaines d’habitants des environs se sont déplacés pour découvrir les contours de ce projet colossal, chiffré à 1,3 milliard d’euros. Jusqu’au 15 mars 2025, les riverains des dix-neuf communes limitrophes du projet sont ainsi invités à s’exprimer, auprès des garants désignés par la Commission nationale du débat public (CNDP).
« Je pense qu’on peut aussi régler les problèmes de pollution par l’innovation », vante Arnaud Levitre, le maire d’Alizay. « Ce projet réduit de moitié les émissions du territoire », renchérit Bernard Leroy, président de l’Agglo Seine-Eure.
Cela va vraiment améliorer l’environnement !
Dès le premier tour de parole, Annabelle Mueth, habitante des Damps, s’interroge. « Cela signifie que BEA est responsable de 50 % des émissions de CO2 l’agglomération ? » Une question qui ne recevra pas de réponse directe… « Il n’y aura pas d’émission atmosphérique. Au contraire, on va les diminuer de 95 %. Cela va vraiment améliorer l’environnement ! » préfère accentuer Victor Lévy-Frébault, directeur de Verso Energy.
« Est-ce que ça signifie que les autres industries n’auraient plus d’efforts à faire ? » interroge à son tour la maire de Saint-Pierre-du-Vauvray, Laetitia Sanchez. « Bien sûr que l’effort des autres industriels continue ! » rassure Bernard Leroy.
Un demi-réacteur nucléaire
En tout, le projet nécessitera une puissance énergétique d’environ 410 MWe (mégawatts électriques), en très grande majorité consommée sur le site de Petit-Couronne. « C’est la moitié d’un réacteur nucléaire ! » soulève Alexis Fraisse, militant écologiste installé à Louviers. « Il faudra consommer 3 KWe d’électricité pour produire 1 KWe de kérosène, l’avion va devenir encore plus énergivore… »
Katia Camus, la maire des Damps, « une jolie commune avec une vue panoramique sur la zone industrielle d’Alizay », s’enquiert, elle, d’éventuelles « nouvelles cheminées ». « Y aura-t-il des nuisances sonores supplémentaires ? »
« La hauteur de la future colonne d’absorption correspond à peu près à la hauteur de la chaudière actuelle. On va faire des esquisses paysagères », s’engage le directeur de Verso Energy, qui annonce un bruit de 60 dB en limite de propriété. « Il devrait complètement se fondre avant d’atteindre les premières habitations », ajoute-t-il.
Est-il encore de temps de débattre de l’opportunité du projet ?
« On nous parle d’une ‘concertation préalable’. Est-il encore de temps de débattre de l’opportunité du projet ? Des accords ont déjà été signés… », fait remarquer Jean-Pierre Négaret, conseiller municipal de Sotteville-sous-le-Val.
« Ce n’est pas parce que les maîtres d’ouvrage ont signé des accords que le projet est accepté. Ils auront l’obligation de répondre au bilan », assure Philippe Bertran, le garant de la Commission nationale du débat public. « On a besoin de tenir compte de vos remarques pour améliorer le projet et le résultat de l’enquête publique », confirme Victor Lévy-Frébault.
Mise en service en 2029
D’autres réunions publiques sont prévues ce 22 janvier à Petit-Couronne, le 24 février à Saint-Étienne-du-Rouvray et le 11 mars, à Petit-Couronne. Des stands d’information seront également présents le 23 février, sur le marché de Pont-de-l’Arche et le 24 février au Super U d’Oissel.
Selon le calendrier défini, la concertation préalable, jusqu’au 15 mars 2025, sera suivie d’une enquête publique, puis de l’instruction des permis et l’obtention des autorisations. Les travaux devraient ensuite durer près de trois ans, pour une mise en service prévue en 2029.
D’après le directeur de Verso Energy, une centaine de projets similaires seraient à l’étude en Europe, dont une quinzaine en France.
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