L’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (Eiopa) planche sur un outil numérique de sensibilisation aux risques naturels et aux mesures de prévention afin d’améliorer la compréhension des propriétaires de biens immobiliers, notamment de logements résidentiels, exposés aux risques naturels et climatiques. Cet outil numérique, déployé à l’échelle européenne, doit permettre d’évaluer les risques naturels partout en Europe. Il générera un « score de risque » en fonction de l’exposition de chaque bâtiment, et sera en mesure d’informer les citoyens en matière de prévention et sur les couvertures d’assurance disponibles.
Au préalable, l’Eiopa a lancé une consultation sur ce projet. Insurance Europe a répondu à l’invitation du régulateur européen. Dans sa contribution, la fédération européenne de l’assurance, tout en reconnaissant l’importance d’une meilleure information des citoyens européens, met en garde contre une approche uniformisée. « Un dispositif unique risquerait de manquer de précision et d’apporter une valeur ajoutée limitée aux citoyens », prévient la fédération. La diversité des expositions aux risques et des politiques nationales justifie, selon elle, une approche décentralisée.
Des données peu fiables et des méthodes de modélisation hétérogènes
La fédération souligne d’abord les difficultés liées à la collecte et à la qualité des données à l’échelle européenne. Les différences de recensement des catastrophes naturelles entre les États membres pourraient compromettre la précision de l’outil. « Sans une adaptation aux contextes nationaux, la fiabilité de l’outil serait mise en cause », avertit Insurance Europe.
L’hétérogénéité des méthodes de modélisation constitue une autre limite. Certains pays disposent de bases de données climatiques très détaillées, tandis que d’autres manquent d’informations précises. « Avant de développer l’outil, l’Eiopa devrait évaluer avec soin la disponibilité et la qualité des données qui alimenteraient les scores de risque, conseille la fédération. Il serait également important que les autorités publiques s’assurent que les données alimentant l’outil soient fiables et reflètent les conditions locales. »
Ne pas sortir des limites du droit de la concurrence
Insurance Europe exprime ensuite des réserves quant à la gouvernance du projet et son financement. La fédération appelle à clarifier l’articulation entre l’outil proposé et les plateformes nationales existantes, afin d’éviter les doublons.
Surtout, l’assureur a la liberté d’ajuster ses tarifs en modifiant l’équilibre entre la prime, la franchise et les mesures de prévention, comme ils l’estiment approprié, rappellent les assureurs européens. « L’introduction d’exigences spécifiques, de cadres ou même de recommandations porterait atteinte à ces principes et risquerait de dépasser les limites permises par le droit de la concurrence », préviennent-ils.
La prévention, un enjeu de politique publique
Dans sa contribution, Insurance Europe insiste enfin sur la responsabilité partagée, en matière de prévention des risques naturels, entre propriétaires et pouvoirs publics. « L’assurance joue un rôle dans l’atténuation des conséquences des catastrophes, mais il est important de reconnaître que la responsabilité de prendre les mesures nécessaires d’atténuation et d’adaptation incombe principalement aux propriétaires de biens et aux autorités publiques », rappelle la fédération.
L’aménagement du territoire et les normes de construction constituent des leviers fondamentaux. «En matière de prévention des risques, l’accent principal devrait être mis sur les infrastructures publiques, où construire de nouveaux bâtiments et avec quelles méthodes », insiste Insurance Europe.
Plutôt renforcer les dispositifs existants, tels que Géorisques
Plutôt que de développer un nouvel instrument, la fédération préconise de s’appuyer sur les solutions locales déjà en place : HORA en Autriche, DiGeo au Danemark, Géorisques en France ou GOTOWI en Pologne. Ces dispositifs, adaptés aux réalités nationales, permettent une meilleure accessibilité et compréhension des risques par les citoyens.
Insurance Europe recommande ainsi à l’Eiopa d’établir une plateforme centralisée recensant ces outils nationaux, facilitant leur consultation sans imposer un modèle standardisé. Une telle approche respecterait le principe de subsidiarité et garantirait une meilleure prise en compte des particularités locales, estime la fédération.
La consultation lancée par l’Eiopa s’est achevée le 28 février. Reste à voir si le régulateur tiendra compte de ces critiques dans la mise en place de son projet.